dimanche 20 mars 2016

LE REMORDS DU PESTO

Foin de munificence ! La façon qu’il avait de tourner son regard alentour dans la salle pour le poser sur tel ou tel, comme on picore, sûr que tout s’arrangerait! Cette manière d’attendre son tour pour dispenser à coup sûr une attention, une affection! Désormais, il entrait dans son allure du calcul, une pose, une douleur interdite, voilée.

Avant, pas de secret, pas de recul. L’appel de la vie, le déploiement de ce qu’elle était, impasses comprises. Ses élans calculés lui auraient fait se ronger les poings, manger la poussière, venir les larmes aux yeux, tant ils lui étaient feints.

Avant, tout venait à point des choses qui devaient advenir.  Tout s’ordonnançait dans un hasard considéré depuis comme dispendieux. D’aucuns auraient même évoqué la bonne étoile : lui n’avait jamais vu dessus sa tête qu’un ciel opaque, noir. Mais, au ras du sol, un monde. Peuplé, habité, un monde. Où il n’avait eu aucune peine à revendiquer sa place, un dû : une abeille, une femme, un vent coulis, une gelée de groseille, une paire de baffes.


Aujourd'hui le monde lui retirait sa munificence, comme un dieu retors dérobant l’accès aux choses. Certes, il ne s’était jamais soupçonné de nourrir une confusion coupable entre cette munificence et celle qu'il avait en propre : il savait la sienne petite, épisodique, superfétatoire. Mais l’une traversait l’autre, pensait-il. Alors? Alors, rien, ciao, niente, songeait-il en repoussant son assiette de pâtes, vide, brossée de rayures.

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