mercredi 27 novembre 2013

"Traverses"

Crue des jours advenue ! Les souvenirs la rythment, évanouis sur la fleur de la pierre…
À l’orée des tambours que frappent les enfants sages, les morts ont visité la banlieue.
Portant le repos froid sur le brocart de leurs bannières, ils ont amené le bismuth, la phacélie, l’eau-de-rose, l’acarien, l’oraison et les complies. Ils ont fait légion dans le battellement tressauté des cancans. Ils se sont regardé dans le miroir, le profil derrière leurs éventails, ils ont chuinté dans la même direction que le vent.
Tous habillés de blanc, glissés entre les marguerites, pochés sur l’azur, ils ont donné de leur parole. Que disaient-ils ? D’anciennes histoires, toutes embuées de larmes : femmes à genoux, hommes raidis dans le dégueulement des boyaux, enfants morts disparus dans le froid. Ourdies à la conque du temps, leurs histoires ! Frappées comme le cuivre, turqueries embossées, plateaux martelés! Des tintamarres! Sonores, sonores ! Que nous n’entendons plus.
Fantômes en  robes de Belle Époque, paysans crotteux, bambins noirs. Rescapés de leurs aujourd’hui. Évaporés.
Au verso, on voyait encore la trace plate d’une épaisseur, inconnue mais broyée, les lignes en amande d’une estampille, cachet caché au dos de cette carte postée vers nous dans l’éclair de magnésie, la plénitude morne d’une devanture de café.
Sur la rive de ce temps, j’ai marché. Dans le filet de l’eau contraire. Contemplé le fleuve de biais. Il charriait l’incompréhensible. S’y trouvait des échos que nous seuls connaissons : lueurs, métaux, fétus, pailles, mannequins, planches, curieux fragments. J’ai cru à mon tour y reconnaître l’estampille qui nous distinguait.

2 commentaires:

  1. That is so obviously beautiful. I am your big fan. Let people know your writings !

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  2. Franck contente de te lire à nouveau ...quelle belle langue ! Bravo !

    MF

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