mardi 4 septembre 2012

"En soirée"

« C’était super !».
Le petit homme errait dans d’improbables étendues dont seul son regard frangé de gris laissait soupçonner la profondeur. On aurait dit qu’un martèlement lointain  parvenait en lisière de ses yeux, au bord de ses pupilles, papillotait, dansait dans un éclair sombre.
Ce tremblement électrique agitant l’une ou l’autre de ses paupières, cette absorption de l’information par sa pupille dans un gonflement d’éponge saturée, cette onde stroboscopique sillonnant sa cornée, venait de le trahir.
Il s’était noyé, quelque part. Cela se voyait dans l’un ou l’autre de ses globes oculaires : dans cette dilatation, l’écho d’un naufrage, le chant d’une sirène porté sur l’eau salée pour raconter un engloutissement accompli à mille encablures. Dans la mort du murmure, chuchotée, une vérité nue.
Il avait entendu à grand-peine son interlocuteur, il le fit répéter. Je remarquai qu’il avait grossi. Une phrase aussi simple, il ne semblait pas la comprendre, occupé à autre chose, à respirer, à se vider de quelque secret. Il me fit le triste effet d’un noyé ramené au sol, dont on aurait vainement voulu dissimuler la boursoufflure ou attendu qu’elle dégonfle.
L’autre se détourna de lui comme un préposé rejoignant son véhicule, raclant ses brodequins pour ne pas salir, pendant que d’autres embarquaient le corps. Suspendu comme un soleil pâle, il flottait au-dessus du parquet.

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